Livres

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Le GRAND CARNET D'ADRESSES de la LITTERATURE à PARIS

de Gilles Schlesser
aux Editions Séguier

Voilà un pavé de 1200 pages à consulter à loisir. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages explorant la capitale et ses mystères, Gilles Schlesser s’est attelé avec ce Grand Carnet d’Adresses à un travail colossal, recenser les adresses de plus d’un millier d’auteurs et de leurs personnages les plus célèbres qui ont hanté la capitale, longtemps capitale mondiale des Arts et des Lettres. Si elle a perdu ce statut elle n’a pas perdu son passé, raison supplémentaire pour la faire revivre dans sa culture et perpétuer son aura loin de ce qu’elle est devenue à cause d’une gestion déplorable depuis l’an 2000, d’une saleté effroyable et d’une bien-pensance pitoyable qui l’anime. De Gavroche à Swann, de Balzac à Hugo c’est toute la littérature qui revit dans les vingt arrondissements comptant des centaines de rues, avenues, boulevards ayant abrité auteurs et personnages de fiction. Vous n’ignorerez plus qu’Aragon et Montherlant ont vécu successivement dans le même appartement à la même adresse, Lamartine, Colette et Jules Janin ont vécu dans un chalet en plein Paris ! Un Paris littéraire fascinant et ignoré revit pour le plus grand bonheur des amoureux de cette ville dont Guitry disait : « Ajoutez deux lettres à Paris et c’est le paradis » Il hérita de son père d’un somptueux hôtel particulier sis au 18 rue Elisée-Reclus dans le 7ème qui sera démoli au début des années 60. Perpétuer la mémoire tel est bien le but de cet ouvrage de géo-littérature insolite et essentiel.

KAFKA

de Reiner Stach
aux Editions Le Cherche Midi

À ce niveau d’érudition on ne peut plus parler de biographie mais bien d’une œuvre littéraire à part entière que n’aurait pas désavoué le principal intéressé de cette somme : Kafka. Et encore « Le Temps des Décisions », titre de cet opus, n’est que le 1er tome d’une colossale trilogie biographique. Il se déroule de 1910 à 1915, années où Kafka écrit le Verdictla Métamorphose, le Procès. C’est durant cette période que sont posés les jalons décisifs pour la suite de son parcours. A ses responsabilités professionnelles, à ses premières textes publiés, à sa redécouverte du judaïsme, de la Grande Guerre à sa rencontre puis à ses fiançailles et enfin sa rupture avec Felice Bauer, c’est tout un pan essentiel de la vie de cet auteur décédé au zénith de sa vie, à 40 ans d’une tuberculose laryngée dans un sanatorium de Vienne. Mais la vie n’est-elle pas absurde, à l’image de la préoccupation térébrante qui toute sa courte vie a hanté ce surdoué  de la pensée? Une plongée romanesque fascinante au coeur même de la création artistique et de l’effervescence intellectuelle de la Mitteleuropa à la charnière des XIXe et XXe siècles qui a rarement été analysée avec une telle précision tant au niveau historique que sociologique. Un ouvrage fascinant. Un seul regret après avoir lu ce Kafka qui a demandé des années de recherche à Reiner Stach : que ce dernier ne puisse nous faire partager de manière aussi magistrale la biographie d’autres auteurs-phares qui nous fascinent et qui ont marqué leur époque. Je me plais à imaginer un Pirandello, un Stefan Zweig, un Pessoa… par Reiner Stach !

VENISE VIe-XXIe siècle

d’Elisabeth Crouzet-Pavan
aux Editions Belin 

Spécialiste incontestée de l’Italie des derniers siècles du Moyen Âge et de la première Renaissance, l’auteure, professeur d’histoire à Sorbonne Université vient de signer le livre référence sur le plus « haut lieu de la religion de la beauté » comme Proust aimait à définir la Sérénissime : « Venise VIe-XXIe siècle ». Elle dresse en plusieurs chapitres savamment documentés les vies successives de Venise, depuis ses origines quand Venise était « Venises », des petites communautés d’habitants au fond du golfe adriatique, jusqu’à nos jours avec son tourisme de masse qui l’a vidé de ses habitants en passant par sa chute en 1797. Elle fut la ville-monde, une puissance marchande dominant le commerce méditerranéen, une république faste puis un triste exemple d »État aristocratique autoritaire. Cet ouvrage se distingue aussi par une iconographie exceptionnelle reproduisant quelques-unes des plus belles œuvres d’art consacrées par des peintres, des sculpteurs , des photographes, des affichistes à cette ville-musée à nulle autre pareille qui a fait fantasmer écrivains, philosophes, cinéastes… Cité du Carnaval le plus célèbre du monde, patrie de l’aventurier Giacomo Casanova, regorgeant d’églises, de musées, de palais, de places elle est sans conteste le phare du monde pour les esthètes, un de ces lieux où l’on peut attendre la fin du monde à l’image de Gustav von Aschenbach, le héros de « Mort à Venise » de Thomas Mann dont Luchino Visconti a tiré un chef d’œuvre cinématographique. 
Une somme littéraire où quinze siècles d’histoire nous contemplent.

AUTOMORIBUNDIA 1888-1948

de Ramón Gómez de la Serna
aux Editions Quai Voltaire

Un monument du genre que ces « Mémoires moribonds » du grand écrivain espagnol oublié. Parus en 1948 à Buenos Aires ces Mémoires sont considérés comme son chef d’oeuvre. Mille pages fourmillantes de vie, de misère, d’orgueil toute l’humaine et triste condition est dans ces carnets autobiographiques de Ramon Gomez de la Serna que Valéry Larbaud considérait à juste titre comme un égal de Proust ou de Joyce. Surdoué inventeur du sous-genre littéraire, la « gregueria », sorte d’aphorisme drôlatique, on songe parfois à Alfred Jarry, le livre paraît lorsqu’il a soixante ans, exilé en Argentine, oublié de tous après la guerre civile espagnole, il sent la maladie et la mort se rapprocher d’où le terme « autobiographie moribonde ». Au-delà de son histoire personnelle AUTOMORIBUNDIA est aussi la somme des expériences stylistiques, poétiques, spirituelles et obsessionnelles de la vie d’un homme. D’une incroyable virtuosité ce livre-somme littéraire dont c’est la première traduction française est d’une telle richesse que l’on est parfois tourneboulé par ce déluge de mots, par cette puissance créatrice dont chaque page recèle une pépite. Ce livre de la dernière chance vous fera du bien en ces temps moribonds et triviaux. Ecoutons ce porte-parole du baroquisme hispanique moderne à l’humour souvent décapant « Je ne me suis caché ni pour raconter ni pour vivre, mais ce livre éclaire tout ce qui aurait été dissimulé ».

MÉMOIRES DE GUERRE - MÉMOIRES D'ESPOIR

de Charles de Gaulle
aux Editions Plon

Triple anniversaire pour le dernier des géants de l’Histoire, en effet l’année 2020 marque les 130 ans de sa naissance, les 80 ans de l’Appel du 18 juin et les 50 ans de sa mort. A cette occasion PLON réunit dans un même volume une somme politique et littéraire de plus de 1500 pages, les Mémoires de Guerre du Général de Gaulle, compte rendu des événements entre 1940 et 1946, les Mémoires d’Espoi r écrites dès son retour aux affaires politiques en 1958 jusqu’à sa mort en 1970, ces deux oeuvres complétées par les conférences de presse, allocutions, discours et messages sélectionnées par son fils l’amiral Philippe de Gaulle. D’une lecture aisée, dans une présentation élégante, cette œuvre est essentielle pour la compréhension des conceptions de cet homme providentiel tant sur la guerre que sur les institutions, sur l’amour de la France qui n’était pas alors un vain mot. C’est toute une époque qui revit quand la noblesse de la politique avait un sens. A cette vaste entreprise s’ajoute le livre d’un authentique écrivain, grand admirateur de Chateaubriand et remarquable lettré. La phrase d’ouverture devrait être inscrite sur les frontons des Assemblées « Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France ». A l’issue de cette lecture on est certes fier d’être français mais on mesure ce qu’en ont fait les succédanés qui lui ont succédé à ce poste. Un bréviaire de la Grandeur.

L'ITALIE BUISSONNIÈRE

de Dominique Fernandez de l’Académie française
aux Editions Grasset

Auteur d’une œuvre considérable dont de nombreux chefs d’œuvre (Porporino ou les Mystères de Naples, Dans la Main de l’Ange, Le Rapt de Ganymède…) , Dominique Fernandez a obtenu les plus hautes récompenses littéraires. Avec son nouvel ouvrage il nous entraîne sur le chemin des écoliers dans une Italie qu’il connaît si bien pour y avoir vécu, l’avoir tant de fois arpentée et s’en être imprégné au plus profond de lui-même. Loin des sentiers battus, des musées, palais et églises abritant tant de peintures et de sculptures connues dans le monde entier, il se livre avec cette « Italie Buissonnière » à une chasse aux trésors, de la Sicile au nord de l’Italie en passant par le sud nous faisant découvrir des œuvres isolées dans des villages reculés ou au sein même des villes-musées proposant un pèlerinage de la beauté d’une manière jamais tentée. Que ce soit dans une banque, une chambre privée, un cloître quasiment inaccessible, une sacristie, un palais anonyme, un cimetière, des carrières voire des friches industrielles il recense des pièces maîtresses dont nul ne soupçonne l’existence. Pétrie d’érudition, cette traque s’avère un manifeste du beau à la gloire de l’Italie et de son art unique conté par le plus grand écrivain-esthète de son époque qui avoue « Entre l’Italie et moi ce fut un coup de foudre qui s’est métamorphosé avec le temps en une longue histoire d’amour ».

LES SOEURS LIVANOS

de Stéphanie Des Horts aux Editions Albin Michel

Journaliste, critique littéraire, auteur de biographies, Stéphanie des Horts nous livre avec son nouvel ouvrage un passionnant portrait des sœurs Livanos qui possédaient tout, beauté, intelligence, élégance, et fortune en épousant les richissimes Onassis et Niarchos. De New-York à Paris, de Saint-Moritz aux villas de rêve de les mer Egée le lecteur parcourt un itinéraire de la jet-set avec ses outrances, ses fastes où ne règne qu’un dieu : l’argent. L’argent roi que manipule ces deux redoutables hommes d’affaires, ennemis jurés s’affrontant à coups de pétrodollars, de palais, d’intrigues politiques, d’oeuvres d’art…Des personnages phares d’une époque accompagnent ce quatuor infernal, Jackie Kennedy, Maria Callas, Gianni Agnelli, Marilyn Monroe… Mais le drame est omniprésent au milieu de ces frivolités, ces Atrides modernes en feront les frais. Un récit passionnant sur un univers de démesure et de luxe.

LES ESSAIS de MONTAIGNE

aux Editions Robert Laffont (Bouquins) – Mollat

Œuvre fondatrice des lettres françaises et par delà de la pensée occidentale moderne, les Essais de Montaigne viennent d’être rajeunis et rafraîchis par Bernard Combeaud avec le concours de Nina Mueggler avec une remarquable préface de Michel Onfray. Cette entreprise monumentale vise, à partir de l’édition de 1595, à offrir des Essais restaurés et revitalisés afin que chacun, même s’il n’est pas érudit ni savant, puisse se plonger dans cette somme écrite il y a plus de quatre siècles par celui que Stefan Zweig saluait comme « l’ancêtre, le protecteur et l’ami de chaque homme libre sur terre ». Montaigne, ce penseur philosophe est un modèle pour les générations futures, il demeure le plus contemporain des classiques, il est en littérature ce que Léonard de Vinci fut pour la peinture. Il faut lire et relire Montaigne afin de « savoir jouir loyalement de son être », cet humain trop humain devenu le plus irremplaçable des êtres.